Issa Deme est diplômé d’un master en Banque Finance de l’Institut burkinabè des Arts et métiers (IBAM) et d’un master en Coaching intégral de l’Université Virtuelle du Coaching et du Développement Intégral (UCVDI). Il est titulaire de plusieurs certifications tant sur le plan national, qu’international. Coach Démé est aujourd’hui doctorant en Coaching intégral. Auteur et titulaire de plusieurs ouvrages, Issa DEME a fait du coaching et de la formation son métier de tous les jours. Il s’active au quotidien a la en formation des jeunes en développement personnel. Pour cette rubrique : « Les conseils du coach Issa Deme », Notre coach donne quelques conseils pour rompre avec l’ignorance. Une thématique qui porte le titre un livre dont il est lui-même auteur.

Coach Démé Issa est l’invité de Bama Charlotte Yitoua
De nombreux auteurs, écrivains, chercheurs et savants dans diverses disciplines ont mené des réflexions sur la notion de l’ignorance. Dans le domaine de la philosophie, l’ignorance est perçue comme l’écart entre la réalité et la perception qu’on en a. La réalité étant ici vue comme la conformité au réel, c’est-à-dire la vérité. Cette conception de l’ignorance en philosophie peut être appuyez par la définition de Shankara « l’ignorance est en effet une tendance innée qui consiste à « superposer » sur l’unique Réalité d’autres réalités que l’on s’imagine subsister par elles-mêmes, à commencer par notre propre ego ainsi que les objets de nos passions auxquelles nous accordons une importance démesurée, qui tantôt nous rend euphorique, tantôt nous abat. » Ducay (2020).
L’ignorance s’oppose donc au savoir ou à la connaissance. Il faut toutefois distinguer ces deux termes : le savoir est une accumulation d’informations ; il peut s’enseigner et se transmettre. La connaissance est l’accession à la vérité ultime. La connaissance est une découverte intime, elle ne peut faire l’objet d’un enseignement.
L’ignorance revêt deux formes : l’ignorance inconsciente et l’ignorance consciente. Dans le second cas, l’individu sait qu’il est ignorant, c’est d’ailleurs ce qui peut l’aider à sortir de son état. Pour Tao Te King « Quand ils savent qu’ils ne savent pas, les gens peuvent trouver leur propre voie. » Et le coaching nous enseigne à travers la magnétique socratique que « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
Dans le bouddhisme, l’ignorance fait partie des trois poisons, les deux autres étant l’attachement et l’aversion. L’ignorance est la source de tous les maux du monde ; elle est à l’origine des deux autres poisons. Elle est le moteur du désir, de la volonté, de l’orgueil et de la haine, autant d’éléments qui enferment les êtres dans le cycle perpétuel des renaissances. L’ignorance est la méconnaissance de la vacuité, c’est-à-dire du fait que les choses sont vides d’existence propre. Pour les bouddhistes, tout est interdépendant, impermanent et éphémère.
La perception du Taoïsme de l’ignorance par rapport aux autres disciplines que nous venons de voir est différente. Tout peut se résumer à la définition de Tao Te King « le maître n’a pas d’esprit en propre ». Pour le partisan du Taoïsme, l’ignorance n’est paradoxalement pas un mal en soi. Elle est synonyme de simplicité d’âme et de vacuité, elle permet de ne pas s’accrocher à l’illusion de la connaissance, de ne pas livrer son esprit à des jugements qui pourraient paraître vrais. L’ignorance permet d’approcher l’unité des choses, elle ouvre l’âme aux réponses naturelles. Un passage de la bible permet d’appuyer la perception de Taoïsme de l’ignorance. Jésus dit dans Matthieu 5 versé 3 : « Heureux les pauvres en esprit, car le royaume des cieux est à eux ! » Pour ne pas trop nous abuser, l’ignorance apparaitrait comme une chance pour le Taoïsme. Car en ne sachant rien, on peut se laisser surprendre et s’émerveiller de tout. Encore faut-il reconnaître et accepter son ignorance.
Contrairement au Taoïsme, la plupart des acteurs du développement personnel s’aligne sur la pensée des philosophes. Pour certains, l’ignorance est à la base de tous les maux sur la terre. Pour Kiyosaki (2017), la base de tous les problèmes dans le monde, de tout manque est liée à la peur et à l’ignorance. Qu’il s’agit de maladie ou de chômage. D’ailleurs Dispenza (2020) démontre que les maladies ne sont pas tous réelles, d’autres sont liées à des manques d’information car seulement 5% des maladies sont liées à des troubles génétiques et les 95% sont liés à des choix de modes de vie, à l’environnement que nous fréquentons. Le père fondateur du coaching Africain, le Pr Patrick Arman POGNON laisse entendre que l’ignorance est une maladie qui tue plus que le Corona virus.
Les conséquences de l’ignorance ne sont négligées dans aucune discipline. Elles se manifestent tant personnellement que collectivement. Sur le plan personnel, ça peut être l’erreur, le malheur, la colère, la haine, l’attachement ou l’orgueil, tous ces sentiments menant à la souffrance. Sur le plan collectif, l’ignorance conduit à l’intolérance, au rejet et au conflit (Carnegie ; 2013).
Pour se libérer d’affaires, les bouddhistes nous invitent à nous détacher de nos fausses ambitions, à cultiver l’humilité et la tolérance pour être heureux et peut-être atteindre un jour le nirvana[1]. Pour les Taoïstes, l’ignorance est une chance, il faut juste travailler sur soi-même en s’éloignant de toute subjectivité. L’analyse de soi, si elle est faite en toute objectivité met en lumière ce que l’on ne souhaite pas avouer. Cet examen est indispensable si l’on veut exiger de la vie autre, que la médiocrité et la pauvreté Hill (2011). Les acteurs du développement personnel nous renvoient vers la lecture et les formations. Ils prônent l’apprentissage continue. Car pour eux les apprenants hériteront de la terre et les savants seront merveilleusement aptes à vivre dans un monde qui n’existe pas Eker (2017). Certains aussi nous invitent à communier avec la réalité. Pour eux « accepter la réalité est la première étape pour surmonter les conséquences de toute infortune » (Levine et al., 2007).
En philosophie une manière de quitter l’ignorance est d’abandonner ce qu’on croyait acquis. Cela consiste à « désapprendre ». « Désapprendre » c’est mourir à soi-même pour faire naître un être nouveau. Cette « re-naissance » rappelle la maïeutique de Socrate : l’art d’accoucher la connaissance par le questionnement et la reformulation. S’inscrire dans la maïeutique de Socrate c’est dompté cette merveilleuse phrase de Socrate : « tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien. »
Nous avons fait le tour de la question de l’ignorance telle qu’abordé dans la littérature dans diverses disciplines. L’école classique qui est en avant plan dans la transmission du savoir devait jouer un rôle fondamental dans cette lutte contre l’ignorance. Malheureusement, de par son système construit que sur les notes, elle considère comme meilleure et instruite, les personnes qui ont des bonnes notes, qui se conforment aux normes prescrites par le système. Elle considère toutes personnes qui se posent des questions sortant du cadre ordinaire comme des indisciplinés. En un mot, elle conditionne ses partisans dans le but de leur donner de la véritable connaissance. Alors que comme le disent les philosophes, la véritable connaissance ne s’enseigne pas. Elle se cherche par l’individu lui et ce, à vie à travers la remise en question de ce que l’on sait déjà. En effet, pour Gomina (2021), lorsqu’on prend conscience qu’on ne sait pas tout, on fait le premier pas du développement.