Ceci une contribution de Ibrahim Guigma. Communicateur mais aussi réalisateur dans une autre vie (Ingénieur du cinéma et de l’audiovisuel), Ibrahim Guigma sait parfaitement ce que représente la musique au cinéma et ce que le cinéma est pour la musique. Mais en toutes choses, il y a la loi des proportions dit-il.
Pour qui s’intéresse à la chose cinématographique, il y a des motifs de satisfactions mais il y a aussi à en redire. J’ai personnellement choisi un angle précis (de prises de vues) : celui du rôle de l’animation musicale à chaque édition du Fespaco. Mon propos ne cible donc pas un comité d’organisation particulier mais l’organisation de l’évènementiel Fespaco depuis que je m’y intéresse de plus près à partir de 2005. Communicateur, mais aussi réalisateur dans une autre vie (Ingénieur du cinéma et de l’audiovisuel), je sais parfaitement ce que représente la musique au cinéma et ce que le cinéma est pour la musique. Mais en toutes choses, il y a la loi des proportions.
Dame musique au secours du roi cinéma
Le cinéma est un art complet, entier et tout suffisant. Il en est le 7e selon la classification de Friedrich Hegel. A lui seul, il se suffit pour divertir et éduquer. Pour entretenir et divertir, les anglo-saxons disent si bien « entertainment ». Le cinéma à lui seul mobilise, draine du monde. Il a son public. D’où nous vient-il que c’est l’animation musicale qui doit venir au secours du cinéma ?
A chaque édition, on invite de grosses pointures nationales ou internationales de la musique qui pour une prestation de 5 à 10 min s’en sortent régulièrement mieux que les lauréats au palmarès officiel du Fespaco. J’ai vu rarement un photographe invité à un concert pour être mieux payé que l’artiste musicien. Ce n’est pas pour faire l’amalgame entre un cachet et une récompense (prix) mais la vérité et le point commun des deux sont que l’enveloppe de numéraires y compte pour beaucoup. On assiste au spectacle fidèle et dissonant de la bataille rangée de certains artistes musiciens burkinabè avec le comité d’organisation pour un passage aux podiums nocturnes. La guerre de la sélection et de la programmation musicale a toujours fait rage.
Pour l’édition 27, le Responsable de cette tâche a même fui ses bureaux craignant la furie ou la vindicte de ses pairs « muzik makers ». Il l’a échappé belle. Il y en a qui était là dès potron minet pas pour une répétition…(sic). Ce n’est quand même pas la fête de la musique non ? Si vous jetez un coup d’œil dans la cagnotte globale des 10 dernières éditions, vous verrez que les musiciens l’emportent sur les cinéastes en terme de profits financiers directs. Ce qui était prévu pour accessoire est devenu le principal !
La profondeur des champs
Plus haut, disais-je donc, que le cinéma est un art de divertissement entier et suffisant. Moi je pense par exemple qu’en lieu et place des intermèdes ou souffles musicaux à la cérémonie d’ouverture, on gagnerait à projeter des extraits des films en compétition, ne serait-ce que les grandes catégories. Ça serait donc des « avant-goûts » comme on le dit trivialement. Le cinéphile ou le téléspectateur aurait l’avantage de faire sa propre sélection de films à voir et être motivé à aller en salle. Plutôt que de découvrir certaines œuvres une fois en projection, les apprécier si c’est intéressant ou les supporter jusqu’à la fin de la séance quand c’est ennuyant.
A des éditions du Fespaco, j’ai vu des figures du grand et du petit écran, presque égarés, faire le rang et soumis à la fouille avant d’avoir accès à la salle par une porte dérobée. On n’a pas besoin de mini-concerts, faisons des mini-projections. Donnons aux festivaliers l’unique plateforme de voir des images et des sons d’une Afrique rassemblée. Quelle vedette de la musique joue à Cannes, Hambourg, Berlin, ou aux Oscars? A tous ces festivals de renom, ce sont les comédiens, les techniciens, les producteurs qui sont mis en avant et honorés. Leurs talents célébrés.
Il faut donc revoir le déroulé. Permettre au public venu de toutes parts de retenir de grands noms des cinémas africains et non de la musique au sortir du Fespaco. Mettre les cinéastes, les jurys et les métiers du cinéma en orbite, sous les projecteurs. Le public au cœur du cinéma et le cinéma dans le cœur du public. Puisqu’il n’est pas interdit de créer le Festival Panafricain de la Musique, tant qu’à y aller. Je répète, je n’ai rien contre les musiciens de mon pays ou ceux d’ailleurs et leurs « gombos », bien au contraire. Mais j’insiste qu’on (re)donne aux cinéastes leur place, leur chose : le Fespaco !