Dans la perspective d’une grande efficience dans l’atteinte son objectif qui est de travailler à renforcer la justice sociale et économique, le Centre d’Etudes et de Recherche Appliquée en Finances Publiques (CERA-FP) a mis en œuvre un certain nombre d’activités, dont la mise en place d’une plateforme d’OSC un dialogue annuel avec le gouvernement, la société civile et le secteur privé sur la justice fiscale. C’est dans ce cadre qu’il a été organisé deux ateliers avec les parties prenantes les 16 et 17 septembre 2021 à Ouagadougou. Il s’est agi concrètement de mener dans une intelligence collective, des plaidoyers en vue d’une plus grande justice fiscale et de créer un cadre de concertation tri partite sur la justice fiscale. L’objectif de ce dialogue étant d’interpeller les gouvernants à instaurer un système fiscal plus juste.
Les inégalités posent un défi majeur au développement du Burkina Faso. Plusieurs initiatives sont prises par le gouvernement pour promouvoir un cadre macroéconomique stable et relancer l’activité économique. L’impôt, se présente comme la solution par laquelle l’État peut mobiliser des ressources nationales pour redistribuer la richesse et fournir des services de base essentiels ainsi que des infrastructures sociales de base aux populations. Malheureusement, force est de constater que les besoins peinent à être couverts par les ressources propres collectées, creusant de plus en plus les inégalités.
« Si la vision du gouvernement est positivement appréciable, le climat difficile de l’environnement fiscal qui prévaut aujourd’hui est déplorable et irrite plus d’un, particulièrement les experts du domaine fiscal ou des finances publiques. Dans un pays, la norme voudrait que tout contribuable soit assujetti aux impôts, malheureusement, tel n’est pas souvent le cas de ceux qui possèdent la plus grande part de richesse mondiale. Conséquence, ce sont les basses classes, qui s’acquittent de ce devoir citoyen », s’indigne Abdoul Dembélé Yoropo, PCA du CERA-FP.
Promouvoir ou adopter une approche fiscale qui prendrait mieux en compte les inégalités de patrimoine dans une perspective d‘équité, cela revient à appliquer la loi de la « juste part d’impôt » dans toute sa rigueur et aussi à rendre effective l’égalité devant l’impôt. Le principe d’égalité fiscale est le fondement de la justice fiscale. Ainsi, un même régime fiscal doit alors s’appliquer à tous les contribuables placés dans la même situation. Les dépenses fiscales (exonérations fiscales et douanières et autres incitations fiscales) sont effectuées chaque année par le gouvernement pour divers raisons et objectifs au profit de bénéficiaires donnés suivant des choix révélés ou discrétionnaires des dirigeants.
C’est conscient de cette situation des inégalités que le CERA-FP met en œuvre depuis 2018 avec l’accompagnement de l’ONG OXFAM au Burkina, le projet « Initiative multipartite pour une économie humaine en Afrique ». Cette rencontre se veut donc un cadre d’échanges et d’interpellation visant à formuler des propositions aux décideurs pour un système fiscal plus juste.
Le système fiscal burkinabè : quel degré d’injustice ?
L’analyse du CERA-FP sur la dépense publique indique que l’IBICA et la Contribution des microentreprises en particulier, sont des impôts progressifs de 10%, 20% et 27.5% pour les tranches de revenu de 0 à 500.000 FCFA, de 501.000 à 1.000.000 FCFA et de plus de 1.000.000 FCFA respectivement. Toutefois, les incitations (exonérations) viennent introduire une injustice ; la CME qui est une taxe sur les activités du secteur informel, les forfaits qui y sont pratiqués mettent les entreprises dans une situation plus que confortable par rapport au secteur formel. Donc injustice ! Les entreprises ont bénéficié en moyenne de 72,51% du total des incitations fiscales sur la période de 2016-2019. Du reste, les objectifs de ces avantages ne sont pas toujours atteints. Donc injustice et déperditions de ressources.
Quant aux impôts et taxes pour les travailleurs, l’IUTS, l’analyse montre que les taux sont progressifs allant de 0% à 25% max. toutefois, la TVA sur la consommation vient annihiler la progressivité de cet impôt. Enfin, l’analyse des impôts et taxes liés à la citoyenneté, la taxe de résidence, nous montre que cette taxe est progressive en fonction du niveau de confort des résidences en question. En faisant un focus sur les personnes pauvres et vulnérables, Cette analyse permet de conclure que les personnes pauvres et vulnérables, notamment, dans le milieu rural, arrivent à échapper à la taxation en raison des difficultés liées à la fiscalisation du secteur agricole. Aussi la corruption omniprésente dans les structures de collecte des recettes et le contact physique des agents de recouvrement avec les contribuables créent des injustices criardes. Les multinationales transfèrent chaque année 1,58 milliard F CFA de bénéfices vers les paradis fiscaux en vue d’échapper au fisc (45,622 milliards de pertes de recettes en 2019)
Répartition des dépenses publiques : quel degré d’injustice ?
A ce sujet, Hermann Doanio, économiste, expert des finances publiques et secrétaire exécutif du CERA-FP fait remarquer qu’en somme, une part de 41,8% du budget national doit être alloué aux dépenses sociales. Sur la période 2016 à 2019, l’Etat a alloué en moyenne annuel 36,72% de son budget aux dépenses sociales (éducation, santé et agriculture) ; cette part est inférieure à la cible de 41,8% à allouer aux dépenses sociales : 10,01% en moyenne à la santé et 12,84% en 2020, 11,48% en moyenne au secteur agricole et 14,88% en moyenne au MENAPLN et 21,53% pour l’ensemble du secteur en 2020. Ces parts doivent être regarder avec prudence. En effet, dans l’allocation il y a la prise en charge des dépenses opérationnelles et des dépenses administratives de chaque ministère.
Pour atteindre cette justice fiscale qui consiste à prendre à chacun selon ses capacités contributives mais aussi à donner à chacun selon ses besoins, le CERA FP fait des recommandations.
Utiliser le fichier des personnes indigentes pour l’octroi des avantages fiscaux dans le cadre de la protection sociale ; exonérer les revenus des pauvres et vulnérables pour les premières tranches de 0 à 100.000 FCFA ou à la limite appliqués à des taux réduits de moitié (50%) ; définir des taux de TVA progressifs en fonction des biens consommés (biens de luxe et biens vitaux) ; rationnaliser les dépenses fiscales surtout pour les grandes entreprises ; évaluer régulièrement l’impact des dépenses fiscales ; mettre en place un système de contrôle des paiements effectifs des impôts sur les revenus fonciers ; mettre rapidement sur pied le cadastre fiscal pour une fiscalisation plus juste et efficace ; mener des campagnes de sensibilisation et d’information sur la fiscalité ; documenter la logique d’identification des tranches imposées pour certains impôts ; s’assurer que les multinationales paient leur juste part d’impôt par le renforcement des politiques de lutte contre l’évasion fiscale, des dispositions législatives relatives aux prix de transfert et des sanctions contre les paradis fiscaux. Mettre un terme à l’extrême richesse pour éradiquer l’extrême pauvreté ; assurer une répartition équitable des ressources budgétaires entre les différentes localités et les différentes couches de la population ; consacrer des dépenses suffisantes à des services publics universels de qualité, qui resserrent l’écart entre riches et pauvres et qui réduisent les inégalités ; adopter une protection sociale financée par les impôts et profitables aux plus pauvres.