Dans le cadre de la mise en œuvre du projet « initiative multipartite pour une économie humaine en Afrique », le Centre d’Etudes et de Recherches Appliquées en Finances Publiques (CERA-FP) a organisé une conférence publique à l’endroit d’une plateforme de douze (12) OSC nationales œuvrant en faveur d’une justice fiscale. L’objectif étant de partager avec elle, les conclusions de l’analyse citoyenne dénommée Budget alternatif du projet de loi de finances 2022. La société civile à travers cette conférence veut apporter son expertise pour une consolidation de la gouvernance des finances publiques pour le bien-être de la population.
Le budget alternatif, vu sur l’angle standard, est un exercice d’élaboration alternatif et parallèle à celui des gouvernants, par les acteurs non détenteurs de pouvoir. Il est non seulement une vision alternative d’identification des priorités, de planification des besoins et d’affection des ressources, mais aussi de conduite de la politique fiscale sous l’optique de l’équité. Au niveau de la société civile, le budget alternatif consiste à porter un regard citoyen (analyse citoyenne) des OSC sur le projet de budget de l’Etat.
Selon Yoropo Abdoul Dembélé, PCA du CERA-FP, pour l’année 2022 à venir, l’analyse citoyenne des OSC a porté de façon particulière sur le projet de loi de finances initiale sous l’angle des effets de la Covid19 et de l’insécurité et vise donc à susciter le débat citoyen autour du projet de loi de finances ; Exercer le contrôle citoyen du budget ; Faire des propositions alternatives à celle de l’Etat sur les priorités, les mesures d’accompagnement adaptées aux réalités économiques, les recettes et les dépenses en lien avec la réalisation des droits sociaux, économiques et culturels des populations.
L’analyse citoyenne a permis de porter un regard sur des points d’intérêt pour les citoyens. Par ailleurs, les prévisions budgétaires du projet de loi de finances 2022 ont été analysées dans leurs grandes masses en termes de dépenses courantes et d’investissement. En somme, Hermann Doanio, secrétaire exécutif du CERA-FP estime que des efforts ont été fait par le gouvernement au regard du contexte sécuritaire et sanitaire. Toutefois, il estime qu’il faut une mobilisation optimale des ressources dans une logique de justice fiscale (prendre à chacun selon ses capacités contributives).
En ce qui concerne le train de vie de l’État, environ 7,11% des dépenses totales du budget 2022 et 10,82% des dépenses courantes y sont consacrées. En considérant le projet de budget 2022, l’analyse désagrégée suivant les secteurs prioritaires indique que le secteur de l’éducation se taillera la grosse part avec 24% du budget de l’Etat, suivi de la sécurité et défense (16%) et de la santé (12%). La protection sociale et les droits humains seront les moins dotés avec respectivement 1% et 0,07% du budget. « Il est impératif que le gouvernement travaille à instaurer une rigueur dans la gestion des ressources mises à la disposition de ces entités en vue de contenir le train de vie de l’État », soutient l’expert en finance publique.
L’ensemble de ces éléments d’analyse ont amené la société civile à faire des propositions pour une amélioration de la gestion budgétaire pour l’année fiscale 2022.
Au titre des recettes
• Préciser clairement les mécanismes et les sources de financement pour la couverture du déficit budgétaire comme le prescrit la loi organique relative aux lois de finances ;
• Poursuivre et renforcer les efforts des régies de recettes pour une mobilisation optimale des ressources dans une logique de justice fiscale
• Améliorer la progressivité du système fiscal.
• Développer des initiatives pour une exploitation optimale du potentiel fiscal du pays.
• Accroître les capacités de l’Etat à financer les dépenses d’investissement sur ressources propres ;
• Dépolitiser l’administration pour la rendre plus responsable et efficace.
• Au titre des dépenses
• Contracter certaines dépenses moins prioritaires afin de réduire considérablement le déficit budgétaire qui est de l’ordre de 570 milliards de FCFA ;
• Prioriser les dépenses d’investissement par rapports aux dépenses courantes pour créer un cadre économique favorable aux activités des populations ;
• Travailler à la réforme de l’administration publique pour plus d’efficacité et d’efficience ;
• Contenir le train de vie de l’Etat à travers l’instauration d’une rigueur dans la gestion des ressources mises à la disposition des EPE, les EPA et d’autres entités publiques autonomes (sociétés d’Etat…) ;
• Travailler à maitriser les effectifs des services publics à travers des expressions de besoins de personnel adaptés aux services ;
• Au titre du secteur de l’éducation :
• Réviser la nomenclature pour prendre en compte les dépenses de développement du capital humain dans les dépenses d’investissement ;
• Augmenter le budget des investissements pour permettre de résorber les nombreux problèmes du secteur dont la normalisation des écoles, les effectifs pléthoriques, etc.
• Au titre du secteur de la santé :
• Accroître la part du budget allouée au secteur de la santé pour faire face aux nouveaux défis dans ce secteur, notamment la lutte contre Covid-19, afin de préserver les acquis dans le secteur ;
• Au titre du secteur de l’eau et de l’assainissement :
• Accroître la part du budget allouée aux secteurs de l’eau et de l’assainissement pour faire face à la demande en eau potable et en services d’assainissement des populations en vue d’en finir avec la défécation à l’air libre et la corvée d’eau ;
• Au titre du secteur de l’agriculture :
• Accroître la part du budget allouée au secteur de l’agriculture pour faire face aux besoins alimentaires des populations du pays ;
• Traiter sérieusement la professionnalisation des agriculteurs en prenant en compte le renforcement des capacités des producteurs à travers la réhabilitation des centres de formation et des points d’eau déjà existants avant de procéder à la mise en place de nouvelles infrastructures ;
• Au titre du secteur de la protection sociale :
• Accroître les ressources budgétaires en faveur de la protection sociale dans le cadre de la loi de finances rectificative pour une meilleure prise en charge des couches vulnérables ;
• Appliquer une bonne méthodologie de ciblage des personnes vulnérables et pauvres pour s’assurer d’atteindre les bénéficiaires vraiment dans le besoin ;
• Au titre du secteur de la sécurité et défense :
• Doter le programme 024 « équipement des forces » avec davantage de ressources afin de renforcer capacités opérationnelles des FDS et de ramener la quiétude, la paix et la stabilité dans le pays ;
• Allouer davantage de ressources au ministère pour combattre les phénomènes de trafic illicite et l’abus des drogues qui sont respectivement des sources potentielles de financement du terrorisme et en passe de devenir un problème de santé publique ;
• Valoriser les moyens endogènes qui ne sont pas forcément budgétivores pour renforcer la sécurité au niveau local ;
• Faire une évaluation à mi-parcours du programme de recrutement des volontaires pour la défense de la patrie en vue de son recadrage et de son redéploiement ;
• Au titre des Droits humains :
• Des efforts de tous ordres, dont budgétaires doivent être mobilisés et déployés pour garantir le socle du vivre ensemble, la cohésion sociale et une culture durable de citoyenneté agissante pour la paix.