Le 12 mars 2021 se dérouleront les élections pour la présidence de la Confédération Africaine de Football (CAF). Plusieurs candidats. Tant mieux pour l’Afrique ! Au-delà, la question à se poser ici et maintenant est : quelle CAF après le scrutin ? Les prochains dirigeants de la CAF seraient très inspirés d’agir dans trois directions entre autres. Ceci est une contribution du Professeur Abdoulaye Sakho, agrégé des Facultés de droit. Directeur fondateur du Master Droit et Economie du Sport Institut EDGE/CRES/UCAD.
1/ Restaurer la crédibilité de la CAF.
Premier acte : lever toute ambiguïté sur ses rapports vis-à-vis de la FIFA. S’organiser pour ne plus apparaitre comme un exécutant de la FIFA. La FIFA a bon dos pour dédouaner l’incurie des dirigeants en Afrique. Dès que ça ne marche pas, on accuse les règles de la FIFA. Pourtant les statuts de la FIFA sont clairs à ce propos. Article 22.1 in fine : « La reconnaissance par la FIFA de chaque confédération implique un respect mutuel total de l’une et l’autre autorité dans leur domaine institutionnel de compétences respectif tel qu’établi dans les présents Statuts ». Par ailleurs, nulle part dans ces statuts il est dit qu’il appartenait à la FIFA de désigner les candidats à la Présidence d’une Confédération. Le contrôle d’éligibilité que fait la Commission de la Gouvernance de la FIFA pour les candidats à un siège dans ses propres organes (article 40.4) ne peut être un obstacle pour le droit de chaque confédération d’élire son Président même s’il est prévu que ce dernier sera d’office Vice-Président du Conseil de la FIFA. Ce contrôle d’éligibilité ne conduit qu’à une décision de l’instance faitière qui peut être remise en cause par la justice sportive. Avoir le courage de contester dans la légalité, les décisions des autorités supérieures fait partie des postures d’indépendance …
2/Rationnaliser la gestion et la gouvernance.
A la CAF, comme dans toutes les structures associatives sportives, la gouvernance est entre les mains des élus. Mais force est de constater qu’aujourd’hui, la gestion économique du sport moderne est devenue l’apanage d’experts. Le football africain, dans tous ses segments, a souffert et continue de souffrir de la seule gestion par des élus certes légitimes, mais dont les compétences pour la gestion du football moderne ne sont pas évidentes. La nouvelle équipe de la CAF devra donc intégrer les normes modernes de gestion économique et, fonder toute son activité sur des principes de bonne gouvernance : mise en place d’une véritable machine pérenne de gestion administrative et économique composée de personnes indépendantes, compétentes et intègres. Ainsi, à l’image de l’actuelle commission de gouvernance qui s’est brillamment distinguée pendant la période du contrôle d’éligibilité, une structure en charge de l’optimisation des techniques de financement du football africain, aidera à une rationalisation des ressources de la propriété intellectuelle dans les compétitions pour faire de la CAF un organisme producteur de richesses et non consommateur des richesses venant de la FIFA…
3/Instaurer une justice sportive de proximité.
Les observateurs déplorent les difficultés d’accès à la justice sportive pour le football africain (coûts, éloignement. Il est temps de contribuer à ce que le Tribunal Arbitral du Sport s’adapte à l’évolution et au progrès du football africain en décentralisant des bureaux et en associant de plus en plus d’arbitres africains aux nombreuses sentences rendues. A défaut, la CAF ou le mouvement olympique peuvent créer une structure alternative de résolution des litiges du football ou du sport en général en Afrique. En France, le mouvement sportif par le biais du CNOSEF a mis en place la Chambre d’Arbitrage du Sport. La ville de Dakar, a une fois servi de test quand le TAS y a expérimenté sa première audience en auditionnant un joueur burkinabé qui s’opposait à une sanction de la FIFA qui l’avait suspendu pour une période de dix-huit mois. Mais depuis cette expérience de 2005 et le décès du juge Kéba MBAYE, le projet d’implantation d’un bureau secondaire décentralisé à Dakar pour traiter des affaires sportives africaines ne semble plus à l’ordre du jour.
Au plan du droit, comme en France, une justice sportive de proximité est possible. Le droit sénégalais du football en se fondant sur les dispositions de la CAF/FIFA, prévoit que : « Les litiges nationaux sont traités conformément aux règlements de le FSF et au droit sénégalais. Lorsque cela est possible, ils sont tranchés par un tribunal arbitral paritaire indépendant. Les litiges internationaux sont traités par les organes idoines de la CAF et de la FIFA et, le cas échéant, par le Tribunal Arbitral du Sport ». Juridiquement, il y a donc de la place pour un Tribunal arbitral sportif interne (à l’Afrique ou à chaque pays) pour les litiges internes. Les africains attendent il encore que la FIFA donne l’autorisation d’exercer un droit qui est le leur ? Ce serait dommage !
Agrégé des Facultés de droit. Directeur fondateur du Master Droit et Economie du Sport Institut EDGE/CRES/UCAD. Direction scientifique du livre collectif « Les grands défis du football africain ». (Les dessous d’un système). Clairafrique, Ed. Dakar, 2010.