Ouagadougou abrite la première édition du Forum de la société africaine pour la démocratie (FOCAD) depuis ce jeudi 18 et ce, jusqu’au 19 mars 2021. Ledit forum a pour objectif, de faire l’état des lieux et les avancées sur le processus démocratique sur le continent. Pour la cause, plusieurs représentants de la société civile du Burkina, du Tchad, de la Côte d’Ivoire, du Niger, du Togo, du Mali, de la Guinée, du Burundi, de la Mauritanie, du Bénin et du Cameroun, se sont donnés rendez-vous dans la capitale burkinabè, pays des Hommes intègres, pour prendre des résolutions fortes à l’endroit des gouvernants du « Vieux continent. »
Parler de la démocratie en Afrique, c’est prendre le risque de réduire l’histoire de la gouvernance du peuple par le peuple de ce continent avec celle des indépendances. En effet la démocratie en Afrique, c’était bien avant la colonisation. Il y a eu des peuples, des dynasties, des contrées qui ont expérimentées la démocratie, autant en Afrique Blanche qu’en Afrique noire. Se basant sur la plus célèbre de des Constitutions africaine qui est la charte de kouroukan fougan (qui jetait déjà les bases d’une gouvernance participative), Serge Tehe Gohi, l’animateur principal de la conférence inaugurale, estime qu’il y a des avancées démocratiques sur le continent ses 30 dernières années.
Toutefois, l’arbre ne devrait pas cacher la forêt. « En début 1990, l’Afrique était en partie dans la main des pères fondateurs, des régimes d’exceptions, des militaires », s’empresse de rappeler le conférencier : « ainsi, l’Afrique de l’Ouest a connu des avancées notables. Le Ghana, le Sénégal étaient les modèles. A côté, le multipartisme et le monde étudiant ont donné un accélérateur à la dynamique démocratique des pays comme la Côte d’Ivoire, le Burkina, le Togo. La contestation, la naissance de partis d’oppositions étaient également en vue en Afrique Centrale, en Afrique du Sud, en Afrique de l’Est. L’Afrique du Nord était la partie du continent qui restait plus ou moins insensible à l’ouverture démocratique. Parce que l’Algérie était en guerre civile, l’Egypte dans les mains de Moubarak, le Maroc est un mirage, ainsi que la Tunisie. La démocratie dans ces pays, c’est ce que les médias nous montrent. Dans les faits, ce sont des nations fermées, des pays dans lesquels celui qui tient la gâchette, tient les urnes », reconnait-il. Pour lui donc, le recul démocratique actuel, c’est tout naturellement la nouvelle maladie, aussi contagieuse que le coronavirus, « je veux parler des 3è mandats. Et en cela, l’Afrique de l’Ouest semble être le champion. Condé et Allassane Ouattara ont eu leur 3è mandat. Au Tchad, il est clair que ce n’est plus le peuple qui choisit. On peut citer plusieurs autres pays. L’autre recul démocratique dans le continent, c’est la montée en puissance des armes. Les terroristes et les nations sont en train de tuer la voix des peuples. Là où il y a des armes, on parle difficilement des élections. Vous avez vu le Burkina, le Niger, il y a eu beaucoup d’abstention du fait du terrorisme », souligne M. Tehe.
« Il n’y a pas une Afrique mais des Afriques »
Malheureusement sur le continent, le recul démocratique rime aussi avec la dynamique sociale. Les divisions, les tensions sociales, les rivalités ethniques ont infesté la démocratie. Le conférencier fait remarquer qu’il y a des pays qui sont sous des braises, qui sont actuellement en hibernation démocratique en attendant le réveil dictatorial. Il estime que le recul de la démocratie dans le continent, c’est aussi un choix géopolitique. Il en veut pour preuve qu’entre 2010 et 2020, d’une manière ou d’une autre, les pays puissants ont injecté beaucoup d’argent pour alimenter les contestations et pousser les peuples à s’ériger contre les dictatures.
Il conclut donc, qu’il n’y a pas une Afrique, mais des Afriques. « Ce continent, c’est plus de 50 pays, des milliers de dynamiques sociales. La démocratie, c’est autant une construction qu’une dynamique contestable. La seule différence entre l’Afrique et certaines parties du monde, ce sont les forces institutionnelles. En Chine, En Russie, en Inde, l’Etat ou plutôt les forces institutionnelles sont suffisamment fortes pour protéger les dictateurs. Aux Etats-Unis, en Angleterre, en France, ils sont suffisamment forts pour protéger les institutions et les présidents élus. Alors, si on veut une tranquillité comme en Chine, il nous faut des dictateurs et des armées suffisamment fortes. Si nous sommes tentés par le model démocratique des Etats-Unis et des autres pays occidentaux, il faudra miser sur les institutions, sur la création des richesses, sur l’éducation… », foi du conférencier.
Pour le point focal du FOCAD au Burkina, non seulement l’espoir est permis mais ses 48h d’échanges, devrait permettre de prendre des résolutions fortes et faire des propositions concrètes aux dirigeants africains. Pour lui donc, l’espoir est permis. Participant venant du Niger, Mahamadou Idder Algabid est convaincu que ce forum est la bienvenue pour tirer la sonnette d’alarme. « Notre inquiétude est forte quant on voit ce qui se passe au Sénégal, en Guinée et au bénin à cette étape de la démocratie en Afrique », soutient-il. Toutefois, M. Algabid fonde son espoir sur les exemples du Burkina et du Niger. Ce sont donc des représentants de la société civile qui entendent jouer pleinement leur rôle pour une meilleur démocratisation de l’Afrique.
One Comment
La démocratie va très male chez moi au Niger