Le 5 mars 2020, le président Alassane Dramane Ouattara (ADO), dans un geste salué comme historique, annonçait sa décision de ne pas se présenter à l’élection présidentielle du 31 octobre de la même année. Une promesse forte, presque solennelle, de passer le témoin à une nouvelle génération. Un engagement interprété alors comme un tournant dans la vie politique ivoirienne, marquée depuis des décennies par la concentration du pouvoir entre les mains des mêmes figures.
Cinq ans plus tard, le tableau a bien changé. ADO est toujours au pouvoir, et selon toute vraisemblance, il envisage de briguer un nouveau mandat. Le scénario n’étonne plus personne : en Afrique de l’Ouest comme ailleurs sur le continent, les engagements au sommet de l’État s’effilochent souvent sous le poids de la realpolitik, des équilibres fragiles et d’un certain goût pour l’éternité.
L’usure du pouvoir ou la peur du vide ?
Alassane Ouattara aura marqué la Côte d’Ivoire. D’abord par la stabilité retrouvée après une décennie de crise. Ensuite par des infrastructures modernisées, une croissance économique saluée. Mais aussi par des tensions politiques persistantes, une opposition muselée et une réforme constitutionnelle controversée qui, en 2020, lui a permis de briguer un troisième mandat. Un glissement qui, aux yeux de nombreux Ivoiriens, sonnait déjà comme un reniement du serment de 2020.
Le président Ouattara justifie sa longévité par le besoin de garantir la stabilité et d’achever les chantiers entamés. Mais au fond, cette obstination à demeurer au pouvoir interroge. Est-ce le signe d’un échec à préparer une relève crédible ? Ou simplement la manifestation d’un syndrome bien connu sous nos tropiques : celui de croire que hors du « guide éclairé », il n’est point de salut ?
Une génération sacrifiée
La jeunesse ivoirienne, à qui on avait promis la relève, continue de regarder le jeu politique depuis les gradins. En 2020, le monde avait salué ce qui semblait être une exception africaine : un président démocratiquement élu, qui choisit de partir à l’apogée de son règne. Cinq ans après, le rêve s’est estompé. La relève attend toujours son heure, pendant que les figures de l’ancienne garde verrouillent l’espace politique.
Le problème n’est pas qu’un homme politique souhaite continuer à servir son pays. Le drame, c’est que cette ambition se traduit systématiquement par la confiscation des mécanismes démocratiques et par la mise entre parenthèses du renouvellement générationnel.
Le fauteuil n’est pas un trône
En démocratie, le pouvoir n’est pas un héritage, encore moins un destin personnel. Il est une charge, une mission limitée dans le temps, soumise à l’alternance. Vouloir s’y accrocher à tout prix, c’est nier aux institutions leur vitalité et à la jeunesse ses perspectives.
Le président Ouattara, homme d’expérience et de vision, peut encore marquer l’histoire autrement. En tenant enfin parole. En incarnant, réellement, ce passage de témoin qu’il promettait il y a cinq ans. Refuser de le faire, c’est faire le choix de l’usure et du désenchantement.
L’Afrique a besoin de leaders qui savent partir. De ceux qui savent que la grandeur se mesure aussi à la capacité de céder la place.