Le communiqué est tombé comme une pierre froide dans le cœur de ceux qui, depuis le Burkina Faso jusqu’aux confins de la diaspora africaine, suivaient avec inquiétude l’arrestation d’Alain Christophe Traoré, dit Alino Faso. Le parquet d’Abidjan a parlé : suicide par pendaison, tentative préalable de se trancher les veines. Une fin tragique pour un homme dont la voix, bien qu’enfermée, continuait à porter.
Mais voilà qu’à la demande de la famille et des autorités burkinabè, le même parquet annonce l’ouverture d’une information judiciaire. Subitement, l’affaire n’est plus aussi simple, le silence officiel n’est plus aussi étanche, la vérité n’est plus aussi définitive.
Alors que croire ? Peut-on se contenter de la version initiale d’un suicide dans une école de gendarmerie – l’un des lieux les plus surveillés du pays ? Ou faut-il, comme tant de voix le réclament, oser poser les bonnes questions, même si elles dérangent ? Que s’est-il réellement passé derrière ces murs fermés où l’on enferme les corps mais jamais totalement les idées ?
Car Alino Faso n’était pas un inconnu. Militant panafricaniste, activiste engagé, il incarnait une parole libre, parfois tranchante, souvent dérangeante. Et comme d’autres avant lui dans notre histoire commune, il a payé de sa liberté, et aujourd’hui de sa vie, le prix de ses convictions. Ce qui trouble, c’est que sa disparition, au lieu d’éteindre les débats, les a intensifiés. Son « suicide » n’a pas mis fin aux interrogations ; il les a multipliées.
Et si la vérité ne se pendait pas ? Et si elle exigeait qu’on l’écoute ?
L’ouverture d’une information judiciaire est une avancée. Mais elle ne suffira pas à apaiser les esprits si elle ne débouche pas sur une enquête crédible, rigoureuse et indépendante. L’Afrique de l’Ouest n’a plus besoin d’un deuil de plus dont on ne saura jamais la cause. Elle a besoin de vérité, non pour condamner hâtivement, mais pour rendre justice à l’homme, à ses proches, à ses idées.
Car au-delà du cas Alino Faso, c’est notre rapport à la liberté, à la justice et à l’engagement qui est en jeu. Dans une région en quête de repères, où les régimes politiques sont souvent tentés par l’autoritarisme, où la parole libre devient parfois un délit, chaque disparition suspecte est une cicatrice de trop.
Il ne s’agit pas ici de glorifier un homme ni d’accuser sans preuve. Il s’agit simplement de dire que chaque vie compte, surtout celle d’un homme qui a osé rêver d’une Afrique debout. Même mort, Alino Faso dérange encore, et peut-être est-ce là la preuve ultime qu’il vivait pour autre chose que pour lui-même.
Le silence de sa cellule doit désormais céder la place à la clameur de la vérité.