Le mardi 26 août 2025, l’Assemblée nationale sénégalaise a franchi une étape décisive dans la lutte contre la corruption en votant en plénière les lois n°13/2025 relative au statut et à la protection des lanceurs d’alerte, ainsi que n°14/2025 consacrée au droit d’accès à l’information . Sur 165 députés inscrits, 134 ont pris part au vote du projet de loi sur les lanceurs d’alerte – 129 ont voté pour et 5 se sont abstenus .
Ce texte inédit institutionnalise un cadre juridique inédit pour encourager et protéger ceux qui, de bonne foi, signalent des faits répréhensibles. Il interdit toute forme de représailles – licenciement, rétrogradation, baisse de salaire, intimidation ou harcèlement – et étend cette protection à la famille proche du lanceur d’alerte . La loi garantit un anonymat total : seuls la justice et avec l’accord de l’intéressé peuvent accéder à l’identité du lanceur .

Une incitation financière originale accompagne cette protection : « une prime de 10 % des montants récupérés grâce au signalement est prévue, le reste étant affecté à un Fonds spécial dédié au financement de projets sociaux » . Le garde des Sceaux, Ousmane Diagne, précise que ce Fonds spécial de recouvrement permettra de financer à la fois les récompenses aux lanceurs d’alerte et des initiatives en matière de lutte contre la corruption et d’application des engagements internationaux.
Le ministre de la Justice a également insisté sur les mécanismes d’immunité prévus : une personne impliquée dans une fraude peut bénéficier d’« une seconde chance si elle se dénonce avant l’ouverture d’une enquête et restitue l’intégralité des sommes perçues », ainsi que d’une immunité pénale et civile pour la collecte de preuves .
Lors des débats, des réserves ont été émises quant aux risques d’abus d’un tel système. Certains députés ont souligné que la récompense financière pourrait provoquer une « professionnalisation de la dénonciation » ou encourager la délation . Le ministre a répondu que la prime serait versée uniquement si l’alerte aboutit à des résultats probants, et que des décrets d’application viendront encadrer strictement le dispositif pour prévenir les dérives .
Ce vote législatif s’inscrit dans une volonté plus large de renforcer la transparence : parallèlement à la loi sur les lanceurs d’alerte, la loi n°14/2025 établit le droit d’accès à l’information, simplifiant les procédures, fixant des délais de réponse stricts, instaurant un organisme indépendant (la Commission nationale d’accès à l’information, CONAI) et prévoyant des sanctions pour refus injustifié d’accès aux données publiques .
La Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF) a salué cette mesure comme « un moment historique pour la démocratie sénégalaise et pour tout le continent » . Selon elle, le Sénégal devient le premier pays francophone d’Afrique subsaharienne à disposer d’une telle législation .
Depuis longtemps, les lanceurs d’alerte en Afrique francophone subissaient souvent des représailles juridiques ou sociales, sans protection légale. Le cas d’Amadou Traoré au Mali, exilé pour avoir dénoncé un trafic de bois de rose, illustre l’enjeu d’une telle loi .
Au total, cette réussite législative témoigne d’une volonté affirmée du gouvernement sénégalais d’apporter des instruments légaux concrets à la gouvernance ouverte et participative. Elle constitue une avancée remarquable dans l’arsenal de transparence nationale, offrant aux citoyens des outils inédits pour défendre l’intérêt général tout en garantissant leur sécurité juridique.