Les mutations actuelles accélérées par la mondialisation de la culture et les effets de la digitalisation, les danses, contes, savoir-faire artisanaux et rituels demeurent des piliers essentiels de l’identité culturelle. Dans sa mission de préserver, transmettre et exposer, le patrimoine national, le Musée National du Burkina Faso s’efforce de concilier préservation, transmission et valorisation du patrimoine immatériel. Mais comment capturer sans figer ? Comment rendre visible sans trahir l’essence du vivant ? Et Pour explorer les tensions et les efforts qui façonnent la mise en vitrine du patrimoine culturel immatériel, nous avons mené l’enquête.

Une stratégie inclusive mais encore inégale
Le patrimoine culturel immatériel (PCI) regroupe d’après l’UNESCO les expressions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, les savoirs liés à la nature et l’artisanat traditionnel.
« Le musée national du Faso prend en compte ces différentes dimensions, mais avec des niveaux de mise en valeur variables » reconnait Boundjoa Mickael Lompo, directeur des expositions et de la médiation du Musée National du Burkina Faso.
Des dispositifs alternatifs notamment spectacles vivants, jardins botaniques, veillées de contes, vidéos et expositions temporaires pallient l’absence d’objets matériels. La salle des masques, enrichie de sons et d’images de danses, illustre cette volonté d’immersion sensorielle.

Muséifier sans figer : Un pari risqué
« La non-pratique d’un élément conduit inéluctablement à sa disparition », alerte Lompo.
Muséifier le vivant, c’est courir le risque de le figer. Or, le patrimoine culturel immatériel (PCI) évolue, se transforme, s’adapte. Pour Bély Niangao, chercheur en anthropologie du droit appliqué à la protection juridique du patrimoine culturel, l’implication des communautés est essentielle :
« ce sont elles qui doivent déterminer ce qu’elles souhaitent sauvegarder et transmettre ».

La loi burkinabè n°007-2024/AN, adoptée en mars 2024, consacre le rôle central des communautés dans la sauvegarde de leur patrimoine culturel immatériel et impose le consentement libre et éclairé pour toute action muséale. Malgré cette avancée, le musée national reste confronté à un manque de personnel qualifié, à une faible médiation et à l’absence de protocoles éthiques adaptés.

Transmettre sans trahir : l’apport du numérique
Le projet ECHO, porté par le Goethe-Institut et présenté au Musée de la Musique Georges Ouédraogo, offre une immersion numérique dans les traditions orales du Burkina Faso. Grâce à des casques et dispositifs sonores, les visiteurs découvrent chants, contes et rituels.
« On peut mettre un casque et se retrouver à une veillée de contes », explique Toudeba Bobele directeur artistique du projet ECHO.
Toutefois, certains éléments restent confidentiels, d’où l’importance du consentement libre, éclairé et préalable des détenteurs de tradition, principe fondamental au Musée National.
Vers un musée en action
Le musée multiplie les efforts : labellisation de Trésors Humains Vivants, ateliers pour scolaires, spectacles, préservation d’espaces rituels… Il souhaite intégrer, durablement, les écoles à sa programmation. Malgré des retours positifs du public, il reste du chemin : renforcer la médiation, étoffer les archives numériques, et bâtir une vraie stratégie éducative.
Le Musée National du Burkina Faso évolue entre traditions mouvantes et vitrines figées. Il doit patrimonialiser sans dévitaliser, transmettre sans déformer. Un défi de taille, mais essentiel pour que le patrimoine immatériel continue de vivre hors les murs, dans les cœurs et les gestes quotidiens.
Zoérim Désiré SAWADOGO