Ce jeudi 17 juillet 2025 à Dakar, l’histoire a tourné une page lourde de symboles et de mémoire. En restituant ses dernières installations militaires au Sénégal, la France met un terme à plus de six décennies de présence permanente en Afrique de l’Ouest. Un départ qui ne s’inscrit pas dans le fracas des ruptures brutales, mais dans la solennité d’un au revoir attendu, réclamé, assumé.
Ce retrait du camp Geille et de l’escale aéronautique ne concerne pas uniquement des infrastructures ou des effectifs militaires. Il scelle, d’une certaine manière, la fin d’un cycle, celui d’une présence postcoloniale qui, pour beaucoup, incarnait une forme de tutelle persistante. À travers le Sénégal, c’est toute une région — du Sahel au Golfe de Guinée — qui réécrit ses rapports à la puissance occidentale, à sa souveraineté, à sa capacité de décider de ses partenariats stratégiques.
Depuis le Mali, le Burkina Faso, le Niger, jusqu’à aujourd’hui le Sénégal, les départs militaires français s’enchaînent. La rupture est claire, mais elle n’est pas forcément synonyme d’isolement. L’Afrique n’expulse pas le monde. Elle choisit de redéfinir les termes de sa coopération. Elle veut être écoutée avant d’être dirigée, consultée avant d’être sécurisée.
Ce que l’on observe aujourd’hui, ce n’est pas une fermeture, mais une nouvelle exigence : celle de relations équilibrées, fondées sur la dignité et la réciprocité. L’armée française quitte physiquement le territoire sénégalais, mais les défis sécuritaires, eux, restent entiers. Et c’est désormais aux Africains, avec leurs alliés choisis, de construire les réponses.
Ce départ marque peut-être la fin d’un certain récit — celui de l’Afrique sous assistance militaire occidentale. Il ne garantit pas l’avènement immédiat d’un autre monde, mais il rappelle une vérité que nul ne peut plus ignorer : l’Afrique se parle à présent à elle-même. Elle se regarde, se juge, s’organise. Elle ne fuit pas l’histoire, elle l’affronte.
À Dakar, ce matin-là, ce n’était pas la France qui perdait un poste avancé. C’était l’Afrique qui gagnait un point d’ancrage pour ses choix.
Ben Adama