Le mardi 29 juillet 2025 marque un tournant symbolique dans les relations entre la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les trois pays de la conferation des États du Sahel (AES) – le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Cette date scelle la fin du délai de six mois que leur avait accordé la CEDEAO pour revenir sur leur décision de quitter l’organisation. Une porte laissée entrouverte depuis le 29 janvier dernier, mais que les régimes de transition sahéliens n’ont jamais envisagé de franchir à reculons.
Une décision assumée, un départ sans appel
Dès le mois de décembre 2024, les autorités militaires de Bamako, Ouagadougou et Niamey avaient affiché leur ferme volonté de tourner la page CEDEAO. Qualifiant leur retrait de « décision souveraine et irréversible », elles ont balayé l’offre de la conférence des chefs d’État de la CEDEAO, qui, lors de son sommet d’Abuja, avait tenté de temporiser en proposant un délai de six mois avant l’entrée en vigueur effective du retrait. Objectif affiché par l’organisation : préserver l’unité régionale et éviter une fracture géopolitique en plein cœur du Sahel.
Mais l’appel au dialogue est resté lettre morte. Les discours officiels des pays de l’AES n’ont laissé aucune place à l’ambiguïté : il n’était plus question de revenir dans une organisation accusée d’ingérence, de partialité, et de soumission aux agendas extérieurs.
Une sortie effective mais inachevée
Techniquement, la sortie des trois États de la CEDEAO est actée depuis le 29 janvier 2025, un an après la notification officielle de retrait, comme l’exige le protocole de l’organisation. Mais sur le plan pratique, plusieurs zones d’ombre subsistent. À ce jour, les modalités de ce départ – qu’il s’agisse des engagements commerciaux, des mécanismes de libre circulation, ou des programmes communautaires en cours – n’ont pas encore fait l’objet d’accords clairs.
La CEDEAO, tout en entérinant ce départ, continue d’affirmer sa volonté de maintenir les ponts humains et économiques. Elle a notamment assuré qu’aucune mesure ne serait prise contre les citoyens maliens, burkinabè ou nigériens circulant dans la région, dans une logique d’apaisement.
La recomposition géopolitique s’accélère
Ce non-retour dans le giron de la CEDEAO accélère la dynamique de rupture amorcée depuis 2023 par les juntes militaires. Les trois pays, désormais liés par la charte de l’AES, poursuivent leur démarche d’intégration parallèle. Ils ambitionnent de bâtir une architecture politique, économique et sécuritaire indépendante, à travers la création d’une Confédération des États du Sahel.
Le divorce avec la CEDEAO s’inscrit ainsi dans une logique de désengagement plus large vis-à-vis des cadres multilatéraux perçus comme inefficaces ou hostiles. Il répond aussi à une volonté de reconquête de souveraineté et d’affirmation identitaire, nourrie par les tensions accumulées autour des sanctions, de la gestion des coups d’État, et des divergences sécuritaires.
Un isolement risqué ou un nouveau départ ?
Reste à savoir si cette sortie assumée renforcera la position stratégique des pays de l’AES, ou si elle débouchera sur un isolement préjudiciable dans un espace ouest-africain de plus en plus fragmenté. Car si la CEDEAO a perdu trois membres, elle conserve le soutien des autres États côtiers, dont les économies sont étroitement imbriquées. L’avenir dira si l’AES saura tenir ses promesses d’autonomie ou si la realpolitik finira par rappeler ses dirigeants à la table des négociations.